compte rendu conférence Frère Enzo Bianchi ICT Toulouse

LA LECTIO DIVINA

I - Rappel historique et signification spirituelle de la lectio divina

La Parole de Dieu fut pendant plusieurs siècles, cantonnée dans les monastères et les cloîtres. Les croyants, le peuple n’avaient pas accès aux Saintes Ecritures.

Il fallut attendre le Concile Vatican II pour que nous assistions à une épiphanie de la Parole et qu’elle soit enfin rendue accessible à l’ensemble de la communauté chrétienne.

Après Vatican II, Jean-Paul II recommanda la lectio divina et Benoît XVI demanda qu’elle devienne une prière quotidienne.

Replacée au centre de la vie de l’Eglise, la Parole est redécouverte comme une réalité vivante, dynamique, efficace. Elle redevient Parole de vie, et possibilité de vivre en Dieu à travers elle.

Pour les croyants, comme pour chaque religieux c’est une méthode féconde pour célébrer chaque jour l’alliance avec Dieu.

Le sens étymologique de « Parole » (« dabar » en hébreu) nous renvoie au fond des choses, à ce qui en elle se trouve caché. Lorsque Dieu parle, il crée les choses (Gen 1), sa Parole produit un effet.

La relation à la Bible comme à la Parole vivante de Dieu donnée à l’homme, s’enracine dans la tradition juive la plus ancienne. La Torah transmise à l’intérieur de l’histoire du peuple d’Israël par les prophètes, d’abord orale, puis mise par écrit. La Torah permet au peuple de relire son histoire à la lumière de la révélation.

Les 5 rouleaux, le Pentateuque, fut retenu par le Canon avec le Nouveau Testament comme second témoignage. Avec l’incarnation de la Parole de Dieu dans la personne de Jésus-Christ, elle est devenue parole du Salut. De Parole éternelle, elle se fait temporelle en Jésus, « Le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous » (Jn 1,14) et sa parole devient « parole substantielle ».

En la lectio divina, nous sommes engagés à « prier la Parole », en laissant vivre en nous le Livre tout entier, sous la direction de l’Esprit.

La lectio divina consiste donc en ceci : chercher le Christ dans la Parole comme dans l’Eucharistie.

A la suite de Guigues le Chartreux, de St Jean Chrysostome ou Saint Césaire d’Arles, Jean-Paul II et Benoît XVI ont encouragé cette voie spirituelle qui fut initiée à l’origine par une théologie de la Parole que l’on retrouve dans le livre de Néhémie.

II – De la liturgie de la Parole à la Lectio Divina

En Néhémie 8,6 nous assistons au « jour de naissance du Judaïsme » nous assistons à la mise en place de la liturgie, avec la première construction d’un ambon, une bénédiction solennelle, une épiclèse sur le peuple avant la lecture, qui va durer toute une journée, qui va donner lieu à une fête et émouvoir le peuple entier présent. Le shabbat, et le dimanche pour les chrétiens, deviendra une journée consacrée à Dieu. Les croyants se retrouvant pour la liturgie.

La lectio divina elle, va permettre au croyant d’exprimer sa qualité prophétique dans le pouvoir qu’il a de faire résonner une parole venant de Dieu, qui par l’action de l’Esprit opère un « jugement » dans son coeur. Ce n’est plus seulement une lecture de l’histoire, elle « consacre » l’histoire. La Parole opère aujourd’hui.

Il est très important de se préparer à lire l’Ecriture en s’y disposant, le cœur libre, le cœur pur. Et pour pratiquer la lectio divina, il nous faudra être fidèle, régulier, pratiquer seul, dans le silence, dans un endroit choisi qui nous porte à la prière. Tous les jours, à la même heure sous la direction de l’Esprit Saint.

On lit, on prit, on médite selon une méthode inspirée par la méthode rabbinique du PARDES (pardès terme hébraïque qui désigne le « paradis »).

III – LECTIO DIVINA

On se prépare à monter une échelle à 4 barreaux pour entrer au PARDES (Paradis, Verger)

L’acronyme hébreu PRDS désigne la doctrine des 4 sens de l’écriture, 4 degrés d’interprétation :

1^er degré : Peshat : littéral, sens réel

C’est la LECTIO pure, le texte doit être choisi

- en obéissant au lectionnaire

- ou en faisant la lecture suivie d’un livre péricope par péricope (parashah).

- On lit plusieurs fois le texte

-

2^nd degré : Remez : allusif (suggestif)

C’est la MEDITATIO : on situe le texte dans son contexte, on cherche les termes significatifs, on analyse le texte, en procédant par concordances, en lisant les commentaires des pères. Que me dit le texte ? On le médite , on le « rumine » en gardant à l’esprit que le but est avant tout de connaitre le Seigneur. On cherche dans toute la bible ce qui est parallèle pour élargir, ouvrir le sens premier. L’écriture s’interprète par elle-même.

Mais il ne s’agit pas là d’une exégèse intellectuelle même si on fait appel à notre mémoire en répétant les paroles par cœur. On lit, on médite « avec les yeux et les oreilles du cœur ». La Parole du Seigneur arrive à chacun : au simple comme à l’érudit directement dans le cœur.

3^ième degré : Darashah : on cherche « en profondeur » (littéralement « labourer »).

C’est l’ORATIO : on prie avec un regard « large », ici nous devenons des intercesseurs pour tous et pour toutes, notre cœur devient large. En demandant à l’Esprit Saint de nous ouvrir le cœur, de nous renouveler l’esprit et le cœur ; il se fait dans la lectio divina comme une dilatation qui nous porte à accueillir toujours davantage la Parole de Dieu, à nous remplir la bouche de ses paroles. On cherche à voir et à entendre le Seigneur dans l’accueil (sans la volonté de l’ego), dans l’ouverture.

4^ième degré : Sod : le secret

Le Sod, c’est la CONTEMPLATIO

Cela appartient à chacun, en face à face avec le Divin, « cum templo ».

Saint Bernard dans son Cantique dit : « Pendant que je fais la lectio divina, le Verbe me visite. Je le sens mais, tout de suite, il est déjà parti ».

C’est comme si Dieu , alors qu’il nous visitait, nous permettait de voir le monde et chaque créature avec ses yeux, dans la contemplation pure.

C’est là une expérience de foi. Le Seigneur a fait disparaitre le voile qu’il y avait entre nous et le texte. Par la lectio divina, et sous l’action de l’Esprit de Vérité, il nous est donné de nous approcher du Mystère. Elle se fait eschatologique et nous permet d’entrevoir l’arrivée du Pardes ; à nous maintenant de garder en nous la Parole Divine, de l’incarner, pour en témoigner.

LECTIO DIVINA

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